- Emmanuel Macron a annoncé que la célèbre tapisserie de Bayeux ferait l'objet d'un prêt au British Museum de Londres, de septembre 2026 à juin 2027.
- La députée Anne Sicard fait partie des opposants au projet et assure que "tous les experts s’accordent sur l’impossibilité de la transporter en raison de son extrême fragilité".
- Jusqu'à présent, il est exact que les projets évoquant un transport de la tapisserie ont été accueillis avec crainte, voire jugés dangereux par la majorité des spécialistes.
Prêter à l'Angleterre la précieuse tapisserie de Bayeux, vieille de près de 1.000 ans ? Le projet a été annoncé avec enthousiasme cette semaine par Emmanuel Macron, qui y voit un moyen de "revivifier la relation culturelle"
entre la France et son voisin britannique. Une idée que la députée Identité Libertés Anne Sicard dénonce sur son compte X. Proche de Marion Maréchal, l'élue du Val-d'Oise juge dangereux un déplacement de l'œuvre brodée de 70 mètres jusqu'à Londres. "Tous les experts s’accordent sur l’impossibilité de la transporter en raison de son extrême fragilité"
, assure-t-elle (nouvelle fenêtre) sur le réseau social X, dénonçant l'attitude d'un chef de l'État "esclave de son hubris"
et qui met en péril un "joyau du patrimoine".
Une opposition réitérée depuis plusieurs années
La fragilité de la tapisserie, nul ne la conteste. Brodée durant la seconde partie du XIe siècle, elle avait fait en 2021 l'objet d'un examen minutieux par huit restauratrices, mandatées par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Normandie. Ces dernières avaient constaté que cette fresque historique présentait quelque 24.000 taches, plus de 16.445 plis et près de 10.000 manques, auxquelles venait s'ajouter une trentaine de déchirures. La conséquence, entre autres, d'une exposition à la verticale au cours des quatre dernières décennies.
"La tapisserie est trop fragile pour être déplacée
[...] et toute manipulation supplémentaire est un risque pour sa conservation"
, estimait il y a quelques mois la Drac, citée par Ouest-France
(nouvelle fenêtre). Une position partagée par une large majorité de spécialistes ayant travaillé sur l'œuvre et à sa conservation. Le musée de Bayeux, sur son site, notait en 2022 que "les membres internationaux du conseil scientifique"
avaient spécifié que "seules des opérations de restauration de la tapisserie de Bayeux pourraient justifier son déplacement".
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le nécessaire déplacement de la tapisserie, à l'occasion des travaux entrepris dans son musée normand. "On avait fait le maximum pour qu’elle soit déplaçable depuis la salle d’exposition jusqu’aux réserves, sur un tout petit trajet de 400 mètres"
, a-t-elle expliqué, ajoutant toutefois que "même son extraction de sa vitrine n’exclut pas des dégradations"
. Puisque le moindre déplacement est un potentiel danger, "traverser la Manche sans une restauration préalable"
serait aux yeux de cette spécialiste "vraiment très problématique"
.
Actuel conservateur en chef des musées de Bayeux, Antoine Verney a été associé au projet du chef de l'État. Si l'on en croit ses dernières déclarations, il ne se montre pas hostile à un prêt aux Anglais. "Le déplacement d'une telle œuvre est un risque"
, concède-t-il à RFI (nouvelle fenêtre). Toutefois, "c'est important et c'est une bonne chose qu'il y ait une conscience de ce risque, parce que cela veut dire que tout est mis en place pour limiter au maximum les risques liés au déplacement, à la mise en boîte et à l'exposition d'une telle œuvre."
Un point de vue qui semble avoir évolué : en 2018, lorsqu'une première rumeur d'exposition en l'Angleterre fut évoquée, l'intéressé se montrait (nouvelle fenêtre) en effet plus mesuré auprès de La Tribune de l'art
. "Le prêt de l’œuvre est jugé par l’ensemble des partenaires non envisageable au regard des connaissances sur son état de conservation actuel"
, constatait-il.
"Des fibres qui ont un millier d'années"
On a appris ces derniers jours que pour son transport, la tapisserie sera déposée dans un paravent dont les ailes seront repliées. Le tout sera alors placé dans trois caisses successives, dotées d'amortisseurs. L'acheminement est ensuite prévu par camion, puis en train avec un passage par le tunnel sous la Manche. Il s'agit là de préconisations émises par les Musées nationaux. Un processus méticuleux : "Ce sont des fibres qui ont un millier d'années, elles sont sensibles aux micro-vibrations lors du transport qui produisent des effets mécaniques sur les fibres textiles"
, a fait savoir Antoine Verney, vantant au passage la rigueur et le professionnalisme des conservateurs anglais du British Museum.
Les deux pays "vont mettre en œuvre pour le prêt en Angleterre un très haut niveau d'exigence"
, fait valoir le conservateur en chef des musées de Bayeux. Une rigueur qui correspond "à celle que nous nous sommes nous-mêmes imposée dans le cadre du projet"
de futur musée. Les élus locaux, en tout cas, ne cachent pas leur enthousiasme. À commencer par l'ancien ministre Hervé Morin, très heureux de voir un projet de prêt aboutir. "Les conservateurs nous expliquent un jour que la broderie ne peut pas être pliée, mais il faudra bien le faire pour la mettre en caisse. Qu’on m’explique la subtilité"
, a-t-il réagi.
Comme toujours, quand on ne veut pas faire les choses, il y a beaucoup de gens pour inventer tout un tas de contraintes
Emmanuel Macron
Cette semaine, TF1info a appris que des expertises complémentaires étaient en cours, visant à s'assurer d'un transfert de la tapisserie vers l'Angleterre dans les meilleures conditions. Les résultats sont attendus début 2026. Sollicité, le musée de Bayeux nous explique pour sa part que "depuis 2018, la connaissance que l'on a de l'œuvre a évolué"
. En effet, le "projet de futur musée a mené à des études"
s'accompagnant "d'innovations en matière de conservation préventive"
. Fort de ces avancées et déterminé à mener à bien son projet, Emmanuel Macron a ironisé sur les réserves affichées par de nombreux spécialistes : "Nous avons cherché les meilleurs experts au monde pour expliquer en détail pourquoi il était totalement impossible de procéder à un tel prêt, et croyez-moi, nous les avons trouvés !"
Le chef de l'État a eu, de toute évidence, vent des oppositions qui se sont manifestées. Mais il a assumé son choix. "On m'a dit que c'était une folie, et qu'on ne pouvait pas le faire. Comme toujours, quand on ne veut pas faire les choses, il y a beaucoup de gens pour inventer tout un tas de contraintes. Je suis content qu'on puisse démontrer le contraire"
, a-t-il expliqué, selon des propos rapportés par le quotidien Ouest-France
(nouvelle fenêtre).
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