• Pour la première fois, une étude s’intéresse au gaspillage alimentaire dans les transports.
  • Pour 4 compagnies – la SNCF, Brittany Ferries, le Ponant et Les Bateaux parisiens – cela peut représenter jusqu'à 5,8 millions d'euros par an.
  • La quantité gaspillée dépend toutefois des trajets, de la façon dont les repas sont servis et de la typologie des passagers, explique l'Ademe, auteur du rapport.

Les chiffres du gaspillage alimentaire sont connus et astronomiques. En France, quatre millions de tonnes de nourriture consommable sont jetées chaque année. Un Français jette en moyenne 58 kg de déchets alimentaires dont 24 kg de nourriture comestible. Des études ont été menées chez les particuliers, mais aussi dans la restauration collective, la restauration traditionnelle, les hôtels, bars, etc. Mais le gaspillage alimentaire dans les transports n’a pas fait l’objet d’un examen poussé. Jusqu’à cette étude de l’Ademe, révélée ce vendredi 6 juin par TF1.

L’agence de transition écologique a mené des observations pendant un an au sein de quatre compagnies volontaires : SNCF Voyageurs, Brittany Ferries, le Ponant et Les Bateaux parisiens. Objectif : mesurer les quantités de nourriture gaspillée, mais aussi quantifier les déchets alimentaires (épluchures, coquilles d’œuf, os, arrêtes, peaux de poisson) et les déchets non alimentaires produits en lien avec l’alimentation (emballages, serviettes en papier, etc).

Des millions de repas chaque année

Car ces compagnies font voyager des millions de personnes chaque année. Ainsi, Brittany Ferries, qui réalise 6.000 traversées par an entre la Bretagne, la Normandie, l’Angleterre, l’Irlande et l’Espagne, sert 1,2 million de repas par an. Le Ponant, avec ses 13 navires et ses 450 croisières, fait voyager 50.000 personnes et sert 1,5 million de repas. Les Bateaux parisiens, qui proposent des croisières sur la Seine dont des croisières repas, servent 360.000 couverts par an. Quant à la SNCF, avec ses 150.000 bars TGV, ce sont 10 millions de consommations qui sont faites chaque année en voiture-bar.

Les auteurs de l’étude ont observé les restes dans les assiettes, mais aussi les restes de service, à savoir les quantités de nourriture non servie aux passagers et le contenu des poubelles. Ils ont étudié à la fois la consommation des clients, mais aussi celle des collaborateurs des entreprises et des personnels navigants, qui prennent leur repas bord.

Coût économique et impact environnemental

La conclusion de l’étude est sans appel : il y a du gâchis, et beaucoup. Ce gaspillage a un coût environnemental et économique : l’étude évalue les sommes correspondantes, mais aussi les émissions de CO2 produites par ces produits jetés sans être consommés. Selon l’étude, le gaspillage alimentaire engendre "des dépenses comprises entre 1,2 et 5,8 millions d’euros par an pour toutes les compagnies concernées".

Mais la nature de ce qui est gâché et les quantités dépendent de plusieurs paramètres : type de transport, condition du trajet, typologie des passagers, moment des repas (déjeuner ou dîner, les quantités gâchées diffèrent bien souvent) et même conditions météorologiques. Par exemple, pour Brittany Ferries, les quantités gaspillées diffèrent quand la météo est mauvaise : les passagers peuvent avoir le mal de mer et choisir de ne pas se restaurer à bord. Les plats prévus sont donc gâchés. 

Le fromage français, jeté par la clientèle étrangère

De manière générale, les denrées les plus fréquemment gaspillées sont le pain, les amuse-bouche et les gâteaux mignardise. Quand les repas sont servis en buffet, le gaspillage est aussi élevé car "certains clients sont incités à se servir plus que ce qu’ils vont consommer" (les restes d’assiettes constituent jusqu’à 75% du volume de déchets alimentaires pour une compagnie). 

La présence d’une clientèle internationale peut aussi augmenter le gaspillage, parce que les habitudes alimentaires sont différentes. Le rapport cite par exemple les "fromages de caractère" souvent gaspillés par des passagers étrangers peu habitués.

Parmi les autres causes de gaspillage figure la possibilité pour les passagers de préparer leurs propres repas, car ce pourcentage de passagers est difficile à évaluer et peut entrainer du gaspillage sous la forme de "restes de fin de service" ou "excédents de production" : les plats et aliments préparés n’ont pas été vendus (jusqu’à 70% du volume des déchets pour l’une des compagnies).

Davantage de gâchis avec les buffets

De manière très concrète, l’étude a évalué le gâchis dans chacune des entreprises partenaires. 

• Chez Brittany Ferries, 89 grammes d’aliments sont gaspillés par repas, soit 88 tonnes par an, 186 tonnes équivalent CO2 et 1,1 million d’euros perdus.

Pour cette compagnie, le gaspillage évolue aussi en fonction du type de client et de la période de l’année : la consommation des familles et des retraités n’est pas du tout la même. Pour ce mode de transport, le gaspillage se fait surtout dans les assiettes des passagers, qui souvent ne finissent pas les plats principaux, et laissent notamment de côté les accompagnements qui finissent à la poubelle.

• Les croisières Ponant sont le lieu où la nourriture est la plus gaspillée : 226 grammes par personne à bord par repas. À titre de comparaison, 230 grammes sont gaspillés par client et par repas dans la restauration traditionnelle. Pour le Ponant, cela représente 672 tonnes par an, 3.265 tonnes équivalent CO2 et une enveloppe de 5,8 millions d’euros.

Ce gaspillage est notamment lié à la présence de plusieurs restaurants à bord, et une incertitude sur les fréquentations par les clients. Mais la plupart du gaspillage se produit en cuisine : la quantité préparée et disponible est supérieure aux besoins (71% du gaspillage mesuré). Les produits les plus gaspillés sont ceux que l’on trouve sur les buffets, notamment les œufs, la charcuterie, les poissons, les salades vertes, les pains (environ 5 kg de pain jeté tous les quatre jours) et les desserts.

Dans les trains, des restes de sandwich et de salade

• Du côté des Bateaux parisiens, le gaspillage est moindre : 185g par client par repas, soit 67 tonnes par an, 417 tonnes équivalent CO2 et 1,4 million d’euros.

Le gaspillage se situe plutôt du côté des collaborateurs avec des restes de fin de service. Les produits sont davantage gâchés lors du dîner, notamment le pain et les amuse-bouche.

• Dans les wagons-bars, le gaspillage est aussi plus faible : 5 grammes par client et par trajet, soit 51 tonnes par an, 260 tonnes équivalent CO2, et des dépenses évaluées à 1,1 million d’euros.

Le gaspillage se produit surtout au niveau des voitures voyageurs (96% du gaspillage total durant les trajets), sous forme de restes de sandwichs ou de salades.

Changer la taille des contenants et des ustensiles pour réduire les quantités servies

Après cette période d’observation, l’Ademe a mis en place des outils et des actions de sensibilisation dont se sont saisis les entreprises partenaires pour réduire les quantités gaspillées. Au total, 22 actions ont été testées grandeur nature, telles que la prévente des repas pour anticiper les quantités à préparer, l’adaptation des menus aux contraintes des transports, la réduction des contenants. 

Le gaspillage produit par les collaborateurs a ainsi été réduit de 35 à 55% selon les entreprises. Le gaspillage produit par les clients est plus difficile à réduire, mais des campagnes d’affichage ont été déployées dans ces transports pour indiquer les bonnes pratiques. 

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Des petits changements peuvent aussi entraîner des effets positifs : par exemple, en changeant les ustensiles utilisés pour se servir permet de réduire les quantités dans les assiettes. Les compagnies engagées ont également diminué leurs commandes de pain et de beurre, qui sont deux produits gâchés. Elles ont pu aussi intervenir sur la salade qui accompagne les assiettes de fromage et qui est, elle aussi, souvent jetée.

Le sujet est toutefois plus complexe que pour la restauration classique. "Les compagnies de transport de voyageurs sont confrontées à des défis spécifiques qui rendent la gestion du gaspillage alimentaire particulièrement complexe, écrit l’Ademe. L’espace de stockage, de préparation et de tri des déchets est souvent restreint, rendant difficile l’optimisation des flux et du recyclage."

Marianne ENAULT

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